Peu de temps après, Bolivar transforme ses paroles en faits. A la tête d'une petite armée il nettoie les bords du río Magdalena de tout ennemi, et prend, en février 1813, la ville de Cucuta. C'est en mai qu'il commence la libération du Venezuela.
Par une série de combat et d'habiles manoeuvres, Bolivar conduit ses troupes de la frontière du Tachira jusqu'à Caracas, où il entre le 6 août. Lors de son passage à Trujillo, le 15 juin, il avait rédigé le Décret de Guerre à Mort, dans le but d'affirmer le sentiment national des vénézuéliens et obtenir une plus grande cohésion.
Peu de temps auparavant, dans la ville de Merida, la population l'avait proclamé Libertador, titre qu'il reçoit solennellement, en octobre 1813, à Caracas et avec lequel il passera dans l'histoire.
La période qui va d'août 1813 à juillet 1814 (la Seconde République) est en vérité L'Année Terrible de l'Histoire du Venezuela. La Guerre à Mort est à son paroxysme, et les combats sont indécis. Girardot et Ricaurte se sacrifient héroïquement. Urdaneta, défend Valencia. Ribas triomphe à la Victoria. Mariño, qui avait libéré l'ouest du pays, arrive au secours de Bolivar et remporte la bataille de Bocachica. Bolivar se défend bec et ongles dans le camps retranché de San Mateo.
Bataille après bataille, il sollicite l'appui des notables civiles pour restaurer les institutions, proclame des décrets, et rédige des articles pour la Gazette de Caracas.
Malheureusement, les royalistes dirigés par l'infatigable Boves, battent à la Puerta Bolivar et Mariño en juin 1814.La Seconde République est blessée à mort. Les Républicains doivent abandonner Caracas. Une grande cohorte, population et armée réunies, se dirige vers Barcelona et Cumana. Les Républicains subissent une nouvelle défaite à Aragua de Barcelona.
A Carupano, Bolivar et Mariño perdent leur autorité sur leurs propres compagnons d'armes. Le Libertador s'en va en Nouvelle Grenade pour un second exil, puis se rend dans la colonie britannique de Jamaïque en mai 1815.
Entre temps, une puissante armada et une armée aguerrie, sous le commandement du général Pablo Morillo, débarque au Venezuela. La cause de l'indépendance semble perdue.
Bolivar va rester en Jamaïque jusqu'en décembre 1815. Après avoir échappé miraculeusement d'une tentative d'assassinat à Kingston, il se rend à Haïti où il reçoit une aide généreuse du président Alejandro Petion. Grâce à lui, son expédition parvient à atteindre Margarita, puis Capurano et Ocumare de la Costa. Là il décrète l'émancipation des esclaves, convaincu qu'un pays qui combat pour la liberté ne peut héberger en son sein le cancer social de l'esclavage.
Séparé à Ocumare du gros de se forces, Bolivar est sur le point de tomber prisonnier et tente de se suicider pour ne pas souffrir une telle ignominie. Par chance, le mulâtre Bideau le sauve et le conduit à bord d'un navire. Il retourne à Haïti où il obtient une nouvelle aide du président Petion.
Il réussit à revenir à Margarita à la fin de l'année 1816, et de là il atteint Barcelona en janvier 1817.
Son objectif est maintenant la libération de la Guyane, pour en faire la base de ses prochaines offensives républicaines et un point de contact vers l'extérieur grâce à l'Orénoque. Il peut compter sur l'armée du général Manuel Piar, qui a déjà commencé la conquête.
Au moi de juin, la capital Angostura (Ciudad Bolivar aujourd'hui) tombe aux mains des républicains. Un gouvernement est nommé avec Bolivar comme Chef Suprême.
Mais Bolivar est confronté à l'anarchie qui gagne les troupes. En octobre 1817, le général Piar est fusillé, condamné à mort par un conseil de guerre.
Les llaneros qui, pour la plupart, avait combattu pour les espagnols, combattent désormais pour la République sous les ordres du général José Antonio Paez, lequel vient de s'unir au Libertador. De nombreux volontaires européens arrivent également. En pleine guerre, Bolivar se préoccupe d'organiser l'Etat de Droit, et convoque un Congrès qui se réunit à Angostura le 15 février 1819.
Le Libertador prononce, à l'inauguration du congrès, un discours dans lequel se trouve l'essentiel de sa pensée sociale et politique. Il leur présente un projet de constitution et leur demande d'adopter le Pouvoir Moral qu'il a élaboré, pour moraliser la société. Mais avec respect, il accepte de ne pas prendre en compte le Pouvoir Moral, que le congrès juge utopique et sans doute pire que l'Inquisition.
Au milieu de l'année 1819, l'armée républicaine, Bolivar en tête, traverse les Andes et défait l'armée royaliste de Nouvelle Grenade dans les Marais de Vargas et à Boyaca. L'armée entre triomphalement dans la ville de Bogota.
En décembre 1819, devant l'insistance de Bolivar, le Congrès de Angostura crée la République de Colombie, qui comprend le Venezuela, la Colombie actuelle, Panama et l'Equateur.
En 1820, après d'âpres négociations, un armistice est signé à Trujillo par Bolivar et le général Morillo. Ce traité signifie à la fois la fin de la Guerre à Mort et la reconnaissance de la Grande Colombie par le Gouvernement de Ferdinand VII.
Mais la paix ne durera pas longtemps. En 1821, les hostilités reprennent, et le 24 juin se déroule dans la plaine de Carabobo la bataille décisive pour l'indépendance du Venezuela, qui sera entérinée, en 1823, par la bataille navale du lac Maracaibo.
Après Carabobo, Bolivar est reçu en triomphe dans sa ville natale, mais il regarde déjà vers l'Equateur, encore dominé par les espagnols. La seule récompense qu'il demande à la suite de la victoire de Carabobo, pour lui et son armée, c'est la liberté des esclaves.
En 1832, le général Sucre marche sur Quito depuis Guayaquil, qui s'était soulevé contre les royalistes, tandis que Bolivar attaque par le nord depuis Popayan. La bataille de Bombona, remportée par Bolivar en avril ébranle les royalistes, tandis celle de Pichincha, gagnée par Sucre le 24 mai offre la liberté définitive à l'Equateur. Bolivar arrive à Quito quelques semaines plus tard, où il rencontrera Manuela Saenz dont il tombera amoureux.
Le 11 juillet, Bolivar se trouve à Guayaquil, où débarque le général José de San Martin, arrivant du Pérou. Les deux grandes figures de l'indépendance sud-américaine s'étreignent. San Martin vient négocier le destin futur de Guayaquil, mais la province est déjà incorporée à la République de la Grande Colombie.
Bolivar passe les derniers mois de l'année 1822 et la première moitié de la suivante en Equateur. Il traverse le pays, de Guayaquil à Cuenca, de Loja à Quito, puis de là se rend à Pasto, dans le sud de la Nouvelle Grenade, où les paysans fidèles au roi se sont soulevés. Il est nécessaire de les soumettre.
Puis il revient au sud de l'Equateur, à Guayaquil. Il suit attentivement le déroulement de la guerre au Venezuela, où le général royaliste Morales résiste. Mais bientôt il est défait à Maracaibo, sur terre et sur la mer.
La situation au Pérou préoccupe beaucoup Bolivar car, après le départ de San Martin, l'oligarchie de Lima n'a pu vaincre la puissante armée royaliste qui se maintient toujours dans le pays. Cette présence menace non seulement l'indépendance du Pérou, mais aussi celle de tous les autres pays sud américains.
En 1823, le Pérou appelle le Libertador à son secours car les républicains sont divisés et une puissante armée royaliste menace de détruire l'oeuvre commencée par San Martin. Bolivar débarque à Callao en septembre 1823, et se rend immédiatement à Lima, où le Congrès lui accorde des pouvoirs exceptionnels. Il est nommé Dictateur (comme dans l'ancienne Rome), pour sauver le Pérou. Bolivar concentre toute son énergie dans ce but. Quand un ami, le voyant effondré par la maladie et à cause de toutes les trahisons, lui demande ce qu'il compte faire, le Libertador lui répond : "Triompher !".
Avec l'appui d'ardents républicains péruviens comme Unanue et Sanchez Carrion, Bolivar affronte toutes les difficultés, les pénuries, les trahisons et les déceptions, et il surmonte également la maladie qui mine son organisme.
Son génie et sa foi dans le destin de l'Amérique le conduisent au triomphe. An août 1824, la victoire de Junin fait pencher la balance en faveur des républicains. En décembre, la bataille de Ayacucho remportée par le plus vaillant des généraux de l'Armée Républicaine, Antonio José de Sucre, met fin à la Guerre d'Indépendance. L'étape militaire est terminée et l'heure est venue de réorganiser politiquement et socialement les nouveaux états, pour renforcer l'unité et, avec la paix, moderniser le continent.
La veille de Ayacucho, le 7 décembre 1824, Bolivar avait convoqué depuis Lima le Congrès de Panama (lequel se réunira en 1826), pour que les nations hispano américaines s'unissent et fixent une position commune face aux autres puissances mondiales et à l'Espagne. Le Congrès de Panama représente le premier pas dans la voie de l'intégration latino-américaine. Pour Bolivar, les nations hispano-américaines, auxquelles se joint le Brésil, doivent se présenter unie comme des pays frères.
En 1825, le Libertador visite Arequipa, Cuzco et les provinces du Haut Pérou. Elles constituent une nation indépendante, sous la protection de Bolivar, dont elle prendra le nom : la Bolivie. Pour elle, le Libertador rédige un projet de constitution qu'il considère applicable, dans ses grandes lignes, à tous les autres pays que son épée à libéré.
Il rédige également de nombreux décrets orientés vers la Réforme Sociale, dans le but de protéger les indigènes, favoriser l'éducation, en organisant des écoles et des universités, construire des routes, développer le commerce et l'agriculture: en un mot, mettre en place le progrès, qui était son objectif principal. La guerre n'a été qu'un moyen pour obtenir l'indépendance pour commencer ensuite la véritable révolution.
C'est la période la plus éclatante du Libertador. Alors qu'il est de passage dans le village de Pucara, un avocat d'origine inca, José Domingo Choquehuanca, lui confie une prophétie le 2 août 1825: "Votre gloire grandira avec les siècles tout comme l'ombre s'étend quand le soleil se couche".
Un jour, les agents diplomatiques de Buenos Aires viennent le chercher jusqu'à Potosi, pour obtenir son appui dans un conflit entre le Río de la Plata et l'Empire du Brésil.
Pour mener à bien ses projets de réforme sociopolitique, le Libertador compte maintenant sur Simon Rodriguez. Bolivar, en pleine maturité, cherche de nouveau l'appui de son ancien maître et ami. Tous deux aspirent à une profonde transformation des sociétés américaines, grâce à l'éducation et au travail valorisant, et basé sur les réalités humaines, géopolitiques et économiques du Nouveau Monde. Car pour eux, et pour des hommes tels que Gual, Revenga, Vargas, Mendoza, Sucre, Bello...- l'indépendance acquise par les armes à Boyaca, Carabobo, Pichincha, Junín et Ayacucho n'est que le premier pas vers l'autodétermination. Il ne suffit pas d'être indépendant de l'Espagne, il faut également être libre. Et pour cela il existe deux moyens: le travail et le savoir.
En avril 1826, une révolution menée par le général Paez éclate au Venezuela. Bolivar revient sur son sol natal et réussit à rétablir la paix, évitant les horreurs de la guerre civile, en 1827.
Durant les six premiers mois de 1827, Bolivar restaure l'autorité et l'ordre public. Mais il se trouve confronté à une terrible crise économique, conséquence de la banqueroute d'une des banques anglaises, dépositaire d'une partie des fonds de la Grande Colombie. Cependant, Bolivar s'efforce à mettre de l'ordre dans les finances, il fait payer les débiteurs, combat la corruption avec Cristobal Mendoza et José Rafael Revenga.
Avec la nomination du Docteur José María Vargas au poste de Recteur de l'Université de Caracas, il réforme cette institution et l'ouvre aux jeunes désireux et capables d'étudier.
Mais les forces de la désunion dominent celles de l'unité. Les partis politiques sont en total désaccord et rien ne semble fonctionner correctement.
Bolivar est proclamé Dictateur à Bogota. Il accepte le mandat pour tenter de sauver son oeuvre. Le 25 septembre 1828, il est victime d'un attentat auquel il échappe grâce à son sang froid et à la présence d'esprit de Manuela Saenz.
Peu après, il doit se remettre en campagne pour affronter l'invasion des péruviens dans le sud de la république, et reste en Equateur presque toute l'année 1829.
En son absence, le Conseil des Ministres projette d'instaurer une monarchie en Colombie, mais Bolivar parvient à repousser cette idée, réitérant son ancienne devise : "Libertador o muerto".
Au début de l'année 1830, il est de nouveau à Bogota pour préparer le Congrès Constituant qui, espère-t-il, sauvera la Grande République. Mais le Venezuela s'agite à nouveau, et se proclame état indépendant. L'opposition se fait de plus en plus importante. Bolivar, malade et épuisé, renonce à la présidence et s'en va vers la côte dans le but de voyager en Europe. L'assassinat à Berruecos du Général Sucre et l'attitude de ceux qui gouvernent le Venezuela l'affectent profondément.
Bolivar écrit à un ami pour lui confier ses états d'âme : "Vous savez que j'ai eu le pouvoir pendant vingt ans et je n'en ai tiré que quelques conclusions sûres. Premièrement, l'Amérique est ingouvernable pour nous. Deuxièmement, celui qui sert une révolution laboure la mer. Troisièmement, la seule chose que l'on puisse faire en Amérique est d'émigrer. Quatrièmement, ce pays tombera infailliblement entre les mains de petits tyrans..."
Avec cette phrase célèbre, "J'ai labouré la mer", on comprend que Bolivar ne croit plus à la démocratie.
La mort va le surprendre à San Pedro Alejandrino, une hacienda proche de Santa Marta, le 17 décembre 1830. Au moment de mourir, il prononce ces derniers mots: "Partons, partons... Ces gens-là ne veulent plus de nous dans ce pays... Allons, mes enfants, portez mes bagages à bord de la frégate !"
La rencontre de Guayaquil entre Simon Bolivar et José de San Martin, rencontre pendant laquelle les deux Libertadores se mettent d'accord pour arriver à l'union de l'Amérique du Sud indépendante de l'Espagne. Extrait du film "El santo de la espada" (1970), de Leopoldo Torre Nilsson.
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