Dans ce poème très court dédié à sa fille Laura Helena, Octavio Paz met en évidence les valeurs magiques et ancestrales du mot "invocation" à l'origine de la Création universelle.
Contrairement Dieu qui créa un monde statique en prononçant "que la lumière soit" et la lumière fut, Octavio Paz confère à la fillete magicienne le don de la création d'un univers en mouvement.
Cet univers est en action et change au fur et à mesure que la voix de la fillette se fait entendre. Mais quand celle-ci se tait, la poésie de tout ce qui existe cesse soudainement, et le monde retourne à son intertie quotidienne.
"Niña" est sans doute le poème écrit par un père émerveilé par l'énergie de sa fille, la première et l'unique enfant d'Octavio Paz.
Niña
Nombras el árbol, niña.
Y el árbol crece, lento,
alto deslumbramiento,
hasta volvernos verde la mirada.
Nombras el cielo, niña.
Y las nubes pelean con el viento
y el espacio se vuelve
un transparente campo de batalla.
Nombras el agua, niña.
Y el agua brota, no sé dónde,
brilla en las hojas, habla entre las piedras
y en húmedos vapores nos convierte.
No dices nada, niña.
Y la ola amarilla,
la marea de sol,
en su cresta nos alza,
en los cuatro horizontes nos dispersa
y nos devuelve, intactos,
en el centro del día, a ser nosotros.
¡Niña que me levanta y resucita!
¡Ola sin fin, sin límites, eterna!
Fillette
Tu nommes l'arbre, fillette
Et l'arbre croît, lent et plein
noyant les airs.
vert éblouissement,
jusqu'à ce que vert soit notre regard.
Tu nommes le ciel, fillette
Et le ciel bleu, le nuage blanc,
la lumière du matin,
se logent dans le coeur
jusqu'à devenir ciel et transparence.
Tu nommes l'eau, fillette
Et l'eau jaillit, je ne sais où,
elle baigne la terre noire,
reverdit la fleur, brille sur les feuilles
et nous change en humides vapeurs.
Tu ne dis rien, fillette
Et naît du silence
la vie dans une vague
de jaune musique;
sa houle dorée
nous élève vers des plénitudes,
nous rend à nous-mêmes, égarés.
Fillette qui me soulève et me ressuscite
Vague sans fin, sans limites, éternelle !
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