Marsans, 100 ans d’histoire sur le point de s’effondrer
Par Americas • Catégorie: Sites de voyageAnnonce publicitaire :
Doyenne des agences de voyages, Marsans fut la première en Espagne à obtenir la licence pour travailler dans le secteur touristique. Depuis 1910 Marsans a fait la promotion du pays comme une destination de référence. Mais aujourd’hui la situation délicate de ses filiales met en danger l’avenir du groupe tout entier.
L’ironie de l’histoire c’est que le Groupe Marsans célèbre cette année son centième anniversaire dans le secteur touristique. Un fête qui est gâchée par la situation financière des filiales contrôlées par Gonzalo Pascual et Gerardo Díaz Ferrán.
Certes, ce n’est pas la première fois que le Groupe Marsans est confronté à à des difficultés, mais cette fois la situation est très grave, grave au point de mettre fin à 100 d’histoire de l’entreprise siégeant au numéros 2 et 4 de la Rambla de Canaletas, à Barcelone.
C’est à cette adresse que fut fondée en 1892 la Banque Marsans par José Marsans y Rof en 1892, lequel se dédiait à l’époque à des opérations boursières.
A cette époque le tourisme n’avait que très peu d’intérêt pour les investisseurs espagnols, mais quand fut inauguré l’hôtel Ritz de Madrid les banquiers commencèrent à s’intéresser à cette niche qui attirait de plus en plus de voyageurs européens.
Marsans décida alors de créer une nouvelle division, Viajes Marsansrof, une section consacrée au tourisme réceptif, c’est à dire à la gestion des voyages en Espagne des touristes étrangers en leur facilitant le plus possible leur séjour dans le pays. C’est ainsi que Marsans fut la première agence de voyage à obtenir une licence en Espagne.
Pionnier dans ce secteur, le Groupe Marsans a su tirer partie des possibilités que lui offrait Barcelone comme point de liaison avec la France et les grandes capitales européennes.
En 1912 Marsans introduisit un nouveau système de paiement révolutionnaire dans ce secteur émergeant, les virements ou les chèques qui transitaient par la Banque Marsans et qui pouvaient être utiliser en dehors de l’Espagne.
Prenant le Franc comme référence puisque c’était la monnaie forte de l’époque, les chèques Marsans obtinrent très rapidement une très grande confiance.
Mais Marsansrof ne se contenta pas du tourisme réceptif et commença à organiser des voyages en dehors de l’Espagne dès 1913, à Paris et en Suisse. Mais la Première Guerre Mondiale fut la première crise que dut affronter Marsans.
A partir de 1928, l’agence de voyages commence son aventure en solitaire avec Francisco de Asís Ripoll Fortuño comme Premier Président de Viajes Marsans, indépendamment du Groupe Bancaire.
Pendant les années 20 le groupe se consolida et gagna en notoriété après avoir organiser le tour du monde de l’écrivain espagnol Vicente Blasco Ibáñez en 1923 et le premier congrès européen de la Fédération Internationales de Agences de Voyages en 1928.
Marsans gagna encore en importance grâce à l’Exposition Internationale de Barcelone et l’Exposition Hispano-américaine de Séville en 1929.
A cette époque les croisières et les trains étaient les modes de transport les plus utilisés pour voyager, le second étant bien sûr le plus important. Pour les voyages en train, Marsans décida de créer un billet « kilométrique » qui permettait de voyager à un prix inférieur au tarif habituel. Mais pour cela le voyageur devait être en possession d’une carte avec sa photo. Marsans installa donc des services de photographies dans ces agences dans le but de faciliter la vie de ses clients.
Puis Marsans réussit à obtenir la représentation d’American Express en Espagne, ce qui a favorisé l’arrivée de touristes fortunés venant des États-Unis.
Marsans était en pleine croissance avec 8 agences et 11 délégations quand arriva la Guerre Civile en 1936. La majeure partie de ses points de vente durent fermer et ses locaux de Barcelone et de Valence se transformèrent en librairies.
L’entreprise recommença ses activités de pratiquement zéro à la fin de la Guerre Civile, sans trésorerie ni demandes. A la même époque la Banque Marsans fut absorbée par le Banco Hispano Colonial qui entra dans le capital de Viajes Marsans.
Peu à peu, l’entreprise recommença à se développer et Viajes Marsans commença à employer les premières femmes dans ses agences. Mais rapidement la Seconde Guerre Mondiale freina l’expansion du groupe qui dut se concentrer sur le tourisme national.
En 1948, Viajes Marsans est acceptée par la IATA (Association de Transport Aérien International) qui lui permet de vendre directement des billets d’avion de toutes les compagnies aériennes associées.
En 1953, Viajes Marsans est à nouveau entre les mains de la famille Marsans avec Enrique Marsans Comas. A la fin des années 50, le groupe commence à organiser des croisières et demande à ses guides de voyage d’être poli, aimable et bienveillant sans être servile; Marsans se doit de respecter un certain prestige, il ne faut pas confondre un autobus touristique avec une expédition du dimanche.
Avec l’explosion du tourisme Marsans décide de s’ouvrir vers l’Amérique du Sud et à y installer des agences dans le but de recevoir les touristes souhaitant se rendre en Espagne.
Mais en 1964 Enrique Marsans décida de vendre l’entreprise à l’INI (Instituto Nacional de Industria) avec Manuel Fraga comme ministre de l’Information et du Tourisme. L’achat de Vajes Marsans allait permettre à l’État Espagnol de compléter son offre dans le domaine touristique aux côtés d’entreprises nationales comme Renfe, Iberia, Aviaco et Paradores. C’est à cette époque que se créèrent en Espagne les Tours Opérateurs chargés d’organiser les voyages que vendaient ensuite les agences.
L’INI avait deux objectifs : profiter des voyageurs d’affaires qui venaient en Espagne et se développer à l’international en ouvrant des bureaux au Mexique (1966), aux États-Unis (1968), au Brésil, au Venezuela, en Argentine et autres pays latino-américains.
En 1985 l’État Espagnol décide de se séparer des entreprises qui ne sont pas stratégiques pour le pays. Parmi elles, Viajes Marsans qui revient dans les mains d’investisseurs privés, celles de Gerardo Díaz Ferrán et Gonzalo Pascual pour un prix très symbolique.
Gerardo Díaz Ferrán et Gonzalo Pascual sont deux amis d’université qui se sont associés en 1967 pour fonder l’entreprise de transport par route Trapsa, avec l’appui financier de leurs familles.
Connus par les initiales de leurs prénoms G&G, Gerardo Díaz Ferrán et Gonzalo Pascual ont bâti leur empire avec des rachats d’entreprises. Dans les années 70 ils rachetèrent leur principale rivale dans le secteur des transports Pullmantur.
Après avoir hérité de Viajes Marsans, Gerardo Díaz Ferrán et Gonzalo Pascual fondèrent la compagnie aérienne Spanair en 1986, la chaîne hôtelière Hotetur en 1991, et l’entreprise de services aéroportuaires Newco en 1998.
En 1994 le Groupe Marsans acheta l’agence de voyages Club de Vacaciones, puis en 2001 la compagnie aérienne Aerolineas Argentinas, et en 1998 Gerardo Díaz Ferrán et Gonzalo Pascual s’engagèrent dans l’aventure des croisières avec Pullmantur.
Mais c’est au cours de la dernière décennie que l’empire Marsans allait s’ébrécher, premièrement avec la vente de Pullmantur à la Royal Caribbean pour 700 millions d’euros en 2006, puis avec le retrait de Spanair et d’Aerolineas Argentinas.
Avec la crise économique qui toucha fortement le secteur touristique en Europe, et plus particulièrement en Espagne, la situation du groupe Marsans devenait plus délicate.
Gerardo Díaz Ferrán et Gonzalo Pascual ont mis en danger l’ensemble du groupe en voulant sauver leur dernière compagnie aérienne, Air Comet qu »ils avaient créé en 1997.
Air Comet s’avéra être un véritable gouffre financier et rien ne put sauver la compagnie qui avala les 200 millions d’euros que Gerardo Díaz Ferrán et Gonzalo Pascual « empruntèrent » au Groupe Marsans.
Aujourd’hui le Groupe Marsans criblé de dettes est à l’agonie, et ses 12 000 employés aimeraient bien pouvoir sortir de ce cauchemar pour fêter comme il se doit les 100 ans de l’illustre agence de voyage espagnole.
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