Combien coûte réellement un avion de ligne neuf ? Les énormes montants des commandes engrangées par Boeing et Airbus au dernier salon de Farnborough sont donnés selon le prix catalogue qu’aucun acheteur ne paiera en réalité.

Quand on leur demande des détails, les compagnies aériennes répondent en général qu’il s’agit d’une bonne affaire sans donner plus de précisions sur le montant à payer.

Les véritables conditions de ventes sont gardées secrètes et la loi du silence règne dans le secteur aéronautique, ce qui accentue le mystère et les spéculations.

« Ceci est absurde », reconnaît Robert Milton, président du directoire de Ace Aviation Holdings Inc, la maison mère d’Air Canada, qui estime que le prix réel que payent les compagnies aérienne tourne autour de la moitié quand il s’agit de très grosses commandes.

Les constructeurs reconnaissent eux-mêmes qu’il y a des marchandages au cours des négociations, et même quand la concurrence est plus faible les acheteurs obtiennent une réduction substantielle quand ils passent une grosse commande de nouveaux modèles.

« Les réductions varient selon le volume de vente », nous fait part John Leahy, responsable commercial d’Airbus, sans vouloir entrer dans les détails.

Randy Tinseth, responsable commercial de Boeing, affirme que de nombreux critères sont analysés au moment de négocier un contrat, mais lui non plus ne souhaite pas donner davantage de précisions.

Selon une étude réalisée par The Wall Street Journal à partir d’interviews avec plusieurs directeurs de compagnies, les réductions varieraient de 20 à 60% avec une moyenne autour des 45%.

Les acheteurs les plus rusés ne payent rarement plus de la moitié du prix catalogue, mais il y a de grandes différences entre un accord commercial et un autre.

Une des raisons qui explique le manque de précision sur les prix réellement payés par les compagnies aériennes, c’est la complexité des contrats qui incluent des sections dédiées à la structure des appareils vendus, les moteurs, l’intérieur des cabines, les pièces de rechange, les délais de livraison ou la formation des pilotes.

De la même façon qu’une compagnie fera payer plus ou moins cher un billet d’avion en facturant des services extras, le prix des avions pourra lui aussi évoluer selon l’équipement et les services supplémentaires.

D’autre part, les compagnies aériennes qui achètent de nombreux avions en une seule commande les recevront sur plusieurs années et, avec l’inflation, le prix final sera différent.

Le mystère qui entoure le tarif réel des avions est aussi psychologique. Les nouveaux acheteurs préfèrent croire qu’ils ont obtenu un bon prix et ils n’apprécieraient pas beaucoup d’apprendre qu’ils ont payé plus cher que les autres.

De leur côté, les acheteurs les plus expérimentés savent très bien que s’ils parlent de trop sur les rabais consentis, cela pourrait fâcher Boeing, Airbus et les autres constructeurs qui renonceraient par la suite à leur faire une réduction substantielle.

Malgré tout, le prix catalogue a son utilité car le constructeur bénéficie de la publicité faite par les grands titres de la presse, nous confie Gary Liebowitz, analyste chez Wells Fargo Securities.

Parfois, des compagnies aériennes laissent échapper les tarifs des avions qu’ils ont acheté, par obligation ou par indiscrétion. Par exemple, Southwest Airlines a révélé il y a peu une information liée à une commande de Boeing 737 MAX dans des documents présentés au Gouvernement.

Gary Liebowitz a vérifié les chiffres et a calculé que le prix réel de chaque Boeing 737 MAX vendu à Southwest Airlines était de 35 millions de dollars, soit un rabais de près de 64% !

Il faut préciser que Southwest Airlines est un des meilleurs clients de Boeing puisque la compagnie possède 709 Boeing 737 et 717, a commandé 398 nouveaux Boeing 737 et posé des options sur 242 appareils du même type. La compagnie n’a cependant pas voulu communiquer sur le prix réellement payé.

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